Définition: …Se reconnaître frères…
● A lire ce passage du livre du prophète Ézékiel, on pourrait penser que la mission des croyants est d’être des lanceurs d’alerte, des redresseurs de torts ou des donneurs de leçons… Cela a souvent été le cas, et a conduit à une lecture essentiellement moralisante de l’Évangile dont nous avons maintenant bien du mal à nous défaire ! Heureusement, la liturgie de ces dimanches nous donne à lire des passages de Saint Paul qui donnent une toute autre teneur à la Bonne Nouvelle.
● Reprenant ici une constante de l’enseignement de Jésus, Paul rappelle que c’est l’amour qui est le plein accomplissement de la Loi… Alors, la mission prophétique d’annoncer et de dénoncer, ou de lier et de délier, pour reprendre l’expression de l’Évangile, s’exercera toujours dans le cadre de l’amour : l’amour mutuel entre frères d’une même communauté croyante, comme le suggère le texte de l’Évangile… et, plus largement, l’amour envers l’autre, quel qu’il soit, au titre de la solidarité humaine qui nous unit les uns aux autres dans un destin commun.
● Nous sommes prompts à voir les défauts, les erreurs, le péché des autres, et la parabole de la paille et de la poutre n’est pas près de perdre son actualité… A cette attitude, nous pouvons opposer le processus que décrit Jésus dans l’Évangile : celui d’un dialogue qui ne se laisse pas désarmer par le refus de l’autre, mais qui, au contraire, fait une confiance absolue en la capacité de s’entendre.
● Trois étapes dans ce processus : seul à seul, puis avec une ou deux personnes, puis, enfin, à l’assemblée des croyants. Le chiffre 3 laisse entendre qu’il peut y en avoir beaucoup ! Tout se joue sur la confiance qu’un accord est possible. Notons d’ailleurs que la 3ème étape, celle du pardon devant l’Église, en cas de refus, renvoie les protagonistes au stade initial de l’annonce de la Bonne Nouvelle, celle où l’on retrouve les païens et les publicains, non pour les condamner, mais pour leur annoncer, à nouveaux frais peut-être la, Bonne Nouvelle de l’Amour, vainqueur du mal.
● La réponse du pape François à la question sur l’accueil des personnes qui ne vivent pas selon l’enseignement de l’Église, est claire : ″Qui suis-je pour condamner tel ou tel ?″ Il invite aussi à s’en remettre à la Bonne Nouvelle de Jésus, à l’annonce de la miséricorde de Dieu, à l’amour qui, seul, peut faire triompher la vérité.
● Se mettre d’accord entre frères ? Non à coups d’arguments, ce qui se transforme vitre en un véritable dialogue de sourds, mais avec la confiance que l’un et l’autre sont capables de s’écouter, de se reconnaître comme frères, même dans la différence, même avec des divergences, à condition de chercher ensemble ce qui unit plus que ce qui sépare.
Le coin des enfants : Pardonner à son frère
En Orient, on donne facilement au mot "frère" un sens
large : un proche parent par le sang ou l'alliance, un membre d'une même tribu
ou d'un même peuple, un croyant en un même Dieu, un ami, un pair. Dans l'Ancien
Testament, l'acception la plus fréquente est que sont frères les fils d'Israël
(Lv 25, 46). Jésus précise ici que nous sommes ensemble unis à Lui et
responsables les uns des autres, devant Lui.
La
lecture d'aujourd'hui parle du mécanisme mis au point par les premiers
chrétiens pour faire face aux conflits internes et aux fautes commises par
certains. En relisant, je prends conscience de mes responsabilités envers mes
frères et sœurs de la communauté. Que fais-je quand je vois que certains se
fourvoient : je hausse les épaules, je les dénonce sur les réseaux sociaux, ou
je me sens moralement supérieur ? Ou bien, j’opte pour la voie bienveillante
tracée par Jésus, en essayant de reconquérir ma sœur ou mon frère ? Je prie
pour une personne que je connais et qui s'écarte du droit chemin. Je prie en
demandant la grâce de me sentir responsable de mes frères et sœurs dans la
communauté des croyants.
Jésus nous rappelle doucement qu'en étant membres de la communauté ecclésiale, nous sommes responsables les uns des autres; et l'une de nos tâches d'amour peut être celle de corriger notre frère ou notre sœur qui se trompe. Ce n'est jamais une tâche facile dans notre époque relativiste, et notre conseil risque d'être rejeté. La correction fraternelle doit toujours être inspirée par une véritable charité - c'est l'une des œuvres spirituelles de la miséricorde.
PAROLE
DE VIE POUR LA SEMAINE
â Pour la semaine qui vient… Vivre en
Église
Tous, dans l’Église, sont appelés à la sainteté, rappelle
Vatican II. Que faire alors de ceux qui bafouent cette sainteté de l’Église en
y commentant des fautes particulièrement graves ? Faut-il les exclure de
la communauté, les ″ex-communier″ sans tarder ? La position de l’évangile
est plus miséricordieuse. Dans la communauté chrétienne, le pécheur est d’abord
considéré comme un frère et, s’il faut essayer de le corriger, cette correction
ne peut être que fraternelle, elle relève d’une obligation de vigilance envers
son frère. Ce rôle de ″guetteur″ malheureux celui par qui le scandale
arrive ! Elle s’exerce d’abord par le dialogue en aparté : elle n’est
donc pas une d’emblée une dénonciation publique, qui, souvent, est destructrice
des relations et rend improbable toute réconciliation. Le péché dont il est
question perturbe la vie communautaire et jette le discrédit sur l’Église.
L’Église est non seulement une
communauté de frères et de sœurs, mais elle davantage encore une communauté où
chacun est responsable de la foi et de ses frères. La responsabilité de chacun
incombe à tous les membres soucieux de faire la volonté du Père. A noter qu’un
membre de la communauté ne peut pas s’instituer le censeur de tous.
″Aujourd’hui écouterez-vous sa
parole ?″, chante le psaume. C’est ce que nous venons faire au corps de
cette eucharistie, avant de partager le corps du Christ, présent au milieu de
nous qui sommes réunis en son nom. Seule la présence divine assure l’unité des
croyants.
Le mot d’ordre de ce dimanche est
communauté, fraternité ou solidarité : on n’est pas chrétien tout seul. Et
la parole de Dieu nous prodigue des conseils de vie communautaire. Ainsi, le
rôle du prophète (1ère lecture), qui a pour mission de
« guetter », de discerner les signes des temps, et de mettre en garde
les pécheurs, les aider à se convertir. Puis, l’appel à « l’amour
mutuel » que nous lance saint Paul (2ème lecture). Enfin, pour
améliorer encore notre vivre ensemble et l’amener à la perfection évangélique.
Jésus enseigne « la correction fraternelle », une pratique à
redécouvrir. Il dit aussi l’efficacité de la prière commune.
Nous avons tous fait, un jour ou l’autre, l’expérience du pardon donné, l’expérience aussi du pardon demandé et reçu. Pardonner n’est pas facile ! Il faut du temps. Parfois beaucoup de temps! Demander pardon n’est guère plus facile, car cela suppose avant tout que nous nous reconnaissions humblement coupables. Quel intérêt avons-nous à pardonner, si ce n’est de gagner un ami, un frère, si ce n’est tout simplement de chercher à aimer, et d’aimer comme le Christ nous a aimés? Sur le chemin du pardon, la place du dialogue est essentielle. Le chemin du pardon est un chemin long, un chemin de guérison, de réparation, un chemin sur lequel le Christ marche avec nous pour nous libérer et nous ouvrir à la paix du cœur, au bonheur, à l’avenir !
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